A seulement 19 ans, la pianiste suisse d’origine chinoise se lance dans l’intégrale des Sonates pour piano de Beethoven. 32 sonates, plus de trois décennies d’écriture et de renouvellement sans cesse.

On doit à Beethoven son génie créatif tant dans la recherche du matériau que dans l’évolution du langage. Ce long cycle de sonates ne connaît pas d’équivalent telles les neuf symphonies créant une frontière entre Haydn et les post-Beethoven. Du tout jeune opus 2 à la complexité de l’opus 111, chaque sonate comporte un nombre incalculable d’idées, de motifs et d’inventions techniques surprenantes. Si Artaria, le premier éditeur, affichait ces sonates pour clavecin et/ou pianoforte, il demeure évident que le génie de Beethoven allait plus loin : l’émergence des couleurs et des dynamiques du premier piano. Trois périodes se dessinent pour ces sonates : les vingt premières, jeunes et encore classiques, les centrales plus réfléchies et abouties et les cinq dernières dans un langage d’une complexité et d’une maturité extraordinaires avec un aigu participant de plus en plus à l’émergence de sonorités inexplorées jusque là.

De son jeune âge, Mélodie Zhao produit un réel exploit : les 32 sonates de Beethoven à 19 ans ! Côté technique, irréprochable. Fluidité, clarté du jeu, pédale efficace et jamais employée par facilité. Musicalement, de belles intentions, quelques moments plus libres se libérant ainsi d’éventuelles traditions. Et pourtant, à côté des innombrables excellentes intégrales déjà enregistrées par des pianistes de renommée qui n’ont plus rien à prouver, comment situer cette intégrale ? Le seul défaut ici est un manque de profondeur, de fond dans certains mouvements. L’orientation n’est pas toujours évidente et laisse place à peu de perspectives. Comment va-t-elle dessiner une transition entre une tonalité majeure et une autre mineure ? Et on se dit alors : que serait une telle intégrale dans 20, 30 ou 40 ans ?

Pianiste talentueuse, elle étudie actuellement à Berlin avec Pascal Devoyon (l’un des deux directeurs artistiques). Malgré la perfection des détails cités plus haut, on reste parfois sur sa faim. N’est-ce pas trop tôt pour une telle aventure ? Le travail compositionnel de Beethoven s’est étalé sur une très longue période de sa vie. L’exécution devrait l’être aussi : prendre le temps de comprendre une œuvre et la faire mûrir. Malgré tout, cela reste une belle première intégrale d’une jeune pianiste excellente en devenir qui mérite nos encouragements.

Son 9 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 8

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Intégrale des Sonates pour piano
Mélodie Zhao, piano
2014-DDD-10 cd (64,28’-57’28-55’18-59’16-54’05-68’07-51’-72’22-61’39-62’18) - Textes de présentation en français, anglais et allemand- Claves CD 50-1304/13

Source de l'article: Crescendo Magazine, par Ayrton Desimpelaere le 1er octobre 2014